mercredi 16 novembre 2011

Réparation

Avoir des enfants en IEF (instruction en famille, donc pas à l'école) nécessite de la préparation.

On n'est pas encore au point, on cherche, on tâtonne pour trouver un rythme, une manière de fonctionner entre mes 2 grands qui ont 3 ans d'écart et la petite très demandeuse, mais pour les maths de ma grande, j'ai trouvé un truc qui vaut ce qu'il vaut: je fais les exercices à l'avance. Ma fille (12 ans 1/2, presque 13) peut vérifier au fur et à mesure, et n'a plus à attendre que je sois totalement disponible pour elle pour se lancer.

Je fais donc des maths niveau 5ème. Je développe et je factorise et, j'avoue... je m'amuse.

Mon père a toujours claironné sur tous les toits que j'étais nulle en maths - ce qui, selon ses critères, revenait à dire que j'avais à peine le droit de vivre. C'était une tare monstrueuse.
Nulle en maths...  je n'ai jamais eu 20/20 quoi. Pas souvent plus de 17 ou 18. Mais très rarement moins de 14, de mémoire. Je n'étais pas excellente mais loin d'être médiocre. Du moins jusqu'à la fin de la seconde, classe où j'avais encore 15 de moyenne; les 2 années suivantes, ça s'est gâté, j'avais vraiment de très mauvais profs dans cette matière et n'arrivais pas à bosser seule... et puis à quoi bon, j'étais nulle en maths, mon père l'avait dit.

Nulle en maths, nulle tout court, il n'y a qu'un pas, qu'un enfant a vite fait de sauter, surtout si on n'est pas valorisé en parallèle, pour d'autres choses, par d'autres (j'étais pas jolie, pas une flèche dans quelque domaine que ce soit, extrêmement timide, introvertie, triste, bref, insignifiante).

J'étais nulle et je le suis restée, longtemps, ça a bien entendu brisé ma confiance en moi... parce que c'était un tout bien entendu, les maths n'étaient que la partie émergée de l'iceberg.

J'ai mis des années, de très nombreuses années, à grandir, prendre confiance, oser... Arriver où j'en suis aujourd'hui, ça a été une lutte. Ca m'a longuement blessée, mais j'ai appris aujourd'hui à ne plus me formaliser du peu de cas que fait mon père de mes brillantes études (pas en maths, vous l'aurez deviné), et de ma réussite à un concours pas facile - à une place honorable quand on songe que je l'ai passé alors que j'étais maman-solo avec deux petits et que je travaillais.

Bref, aujourd'hui, je fais les maths de ma fille. 20 ans après. Sans peine, comme un jeu. Ce n'était donc que ça? Juste ça? J'aurais pu être plus à l'aise, m'amuser autrefois comme je m'amuse aujourd'hui (parce que les maths sont un jeu, si vous ne le saviez pas), si on ne m'avait pas sans cesse rabaissée.

La première fois que j'ai fait toute une page d'exercices, il y a quelques jours, j'en aurais pleuré. Je ne sais si c'est de joie ou de peine. Je crois que c'était plutôt cette impression, 20 ans après, de me réparer, enfin.

Margot

5 commentaires:

  1. Moi, les maths niveau 5eme, c'est déjà trop pour moi ^^
    mais bon, je me formalise pas, je suis nettement moins diplômé que Margoton on ne peut donc pas m'accabler ;)
    Mk

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  2. Très joli témoignage! Ca m'a fait sourire, car l'autre jour Ma Miss (en 4ème) ralait car son père n'était pas là et qu'elle bloquait sur un exo de math! Elle a été sidérée que je le résolve en 3mn! Ah ah, non mais! (bon heureusement pour moi que ce n'était pas de la géométrie parce que là je n'aurais pas dépassé l'énoncé! Moi aussi ça m'éclate ce programme :-)

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    1. Sympa comme lecture. Parfois il arrive qu'on tombe sur un morceau d'info qui arrive au bon moment :-)
      couvreur montréal

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  3. Très émue par ton témoignage sur les dommages d'un regard... On y travaille tous les jours chez nous.

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  4. Sosso, j'ai toujours adoré la géométrie!

    Delphine, ici aussi...

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